La semaine dernière, j’ai interrogé le Ministre de la Santé à la COCOM sur le suivi apporté au groupe de travail interministériel « task force soins de santé mentale ». Ce groupe fut créé en 2016 et réunissait les différents niveaux de pouvoir. Il a émis une série de recommandations aux décideurs politiques en matière de santé mentale.
Le Ministre nous apprend principalement que la question de l’évaluation des besoins et de l’offre de soins en matière de santé ne fait pas consensus au sein des spécialistes. Celle-ci relève d’un débat épistémologique qui est loin d’être clôturé.
Par ailleurs, la poursuite de ces efforts conjoints serait soutenue au travers de réunions bimensuelles entre les différents cabinets. Des réunions bilatérales régulières s’y ajoutent également, ainsi que la participation aux réunions du comité de réseau régional de la réforme Psy 107 pour adultes et du réseau bruxellois en santé mentale pour enfants et adolescents (Bru-Stars).
La COCOM subside plus d’une vingtaine de projets de manière récurrente pour améliorer le développement et l’accessibilité des soins de santé mentale. 5 services de santé mentale bénéficient d’un agrément. Notons qu’une grande partie des services de santé mentale relèvent de la COCOF.
Retour sur mon échange complet avec le Ministre ci-dessous
M. David Weytsman (MR).– En 2016, le gouvernement fédéral, en collaboration avec les Communautés et les Régions, a franchi une nouvelle étape dans la réforme des soins de santé mentale. Un groupe de travail interministériel, intitulé « task force soins de santé mentale », a été créé dans le but de promouvoir la communication entre les acteurs des soins de santé mentale et de formuler des recommandations pour l’organisation future de ces soins.
Dans ce cadre, la task force a demandé au Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) une description de l’organisation actuelle des soins de santé mentale pour adultes afin de pouvoir fixer des priorités et prendre des décisions stratégiques pour leur organisation future.
L’objectif de cette question est de faire le point sur le suivi des recommandations formulées par la task force. Comme vous le savez, mon groupe a également déposé une proposition de résolution visant à instaurer d’urgence un plan stratégique « santé mentale », qu’il nous faudra bien évidemment continuer à mettre à jour, étant donné l’ampleur de cette crise.
Où en sommes-nous dans la mise en œuvre de ces recommandations à votre niveau de compétences ? Il s’agit notamment :
- d’améliorer la collecte et l’encodage des données de soins de santé mentale sur les trois niveaux – vous avez en partie répondu sur ce point lors de la question précédente ;
- de poursuivre de manière conjointe la politique actuelle en matière de soins de santé mentale. Comment ce travail s’organise-t-il ?
- de renforcer la législation et les mesures de soutien visant à améliorer le développement et l’accessibilité des soins de santé mentale (services de santé mentale, initiatives d’accueil, équipes mobiles, soins psychologiques de première ligne, applications et autres) et d’améliorer la continuité entre les traitements hospitaliers et ambulatoires ;
- de veiller – c’est selon moi la recommandation principale – à ce que les interventions de première ligne soient financièrement abordables pour tous, en particulier pour les groupes socialement défavorisés. Il s’agit bien entendu d’un vaste débat ;
- de prévenir les problèmes de santé mentale et d’offrir une aide adéquate. J’insiste sur le terme « prévenir ». Bien que je ne m’adresse probablement pas à la bonne assemblée pour ce faire, cette notion est fondamentale.
Il s’agit également de mettre en place une prévention en temps opportun, notamment en faisant tomber les tabous liés à la santé mentale. Cette question avait déjà été reprise dans les recommandations à l’époque. Un énorme travail doit être entrepris afin que les personnes présentant des problèmes de santé mentale ne fassent plus l’objet de stigmatisations, tant au sein de la population qu’auprès des employeurs et des prestataires de soins ;
- d’orienter de manière optimale et la plus précoce possible les personnes présentant des problèmes de santé mentale vers une offre de soins adéquate. Plusieurs formes de « points d’accès et d’information » facilement accessibles doivent exister, nous en parlions à l’instant ;
- de renforcer l’offre de soins de santé mentale (psychologues, psychiatres, médecins généralistes, maisons médicales, services de santé mentale (SSM), équipes mobiles, etc.) dans l’environnement proche des personnes qui présentent des problèmes de santé mentale – nous en avons parlé lors des derniers échanges avec les spécialistes et les acteurs de terrain. Cette offre doit être rendue facilement accessible et financièrement abordable, de manière à ce que les services d’urgence et les services de soins hospitaliers soient moins sollicités.
Pour chacune de ces principales recommandations, pouvez-vous nous présenter un état de la situation et de vos actions dans le cadre de vos compétences ?
M. Alain Maron, membre du Collège réuni.– En ce qui concerne la récolte des données, l’obligation d’enregistrer les données de santé est toujours d’application pour les maisons de soins psychiatriques (MSP) et les initiatives d’habitation protégée (IHP), notamment via le résumé psychiatrique minimum (RPM) qui a encore fait l’objet d’une analyse par l’Observatoire de la santé et du social de Bruxelles-Capitale en 2019. Les centres de revalidation psychosociale, quant à eux, remettent chaque année un rapport d’activité qui fait état de manière chiffrée de leurs prises en charge et des demandes satisfaites.
Par ailleurs, un groupe de travail au niveau d’Iriscare est en train de travailler sur la question du recueil des données en santé mentale dans les structures résidentielles. Les services de santé mentale (SSM) bicommunautaires font eux aussi état des demandes traitées et non traitées dans leur rapport d’activité annuel.
Bien entendu, ces données sont mobilisées dans le cadre de nos échanges en intercabinets de la santé mentale. L’enjeu reste malgré tout l’harmonisation du recueil de ces données et leur analyse intégrée. Elles nous permettent néanmoins d’être éclairés sur les besoins en matière de santé mentale.
Avec l’appui du professeur Bruffaerts, nous avons aussi pu travailler sur une analyse de la programmation et des besoins en santé mentale à différents niveaux et en fonction de différents groupes cibles. Cela nous permet de tendre le plus possible vers une analyse intégrée des besoins entre les différents niveaux de pouvoir et les structures qui y sont associées.
Ces éléments d’analyse sont donc mobilisés afin de renforcer le secteur de manière intégrée, conformément à ce qui est inscrit dans le protocole d’accord signé en conférence interministérielle (CIM) en décembre 2020. Cependant, il faut admettre que la question de l’évaluation des besoins et de l’offre de soins en matière de santé ne fait pas consensus. Elle relève d’un débat épistémologique qui est loin d’être clôturé et qui est particulièrement sujet à controverse ces dernières années.
En ce qui concerne la poursuite des efforts conjoints de soutien à la politique actuelle en matière de santé mentale, elle est soutenue au travers des réunions en intercabinets qui ont lieu au minimum toutes les deux semaines. Des réunions bilatérales tout aussi régulières s’y ajoutent, ainsi que la participation aux réunions du comité de réseau régional de la réforme Psy 107 pour adultes et du réseau bruxellois en santé mentale pour enfants et adolescents (Bru-Stars), dont nous avons parlé précédemment.
La Commission communautaire commune (Cocom) subsidie de manière récurrente plus d’une vingtaine de projets qui visent globalement à améliorer le développement et l’accessibilité des soins de santé mentale. Et cinq services de santé mentale bénéficient d’un agrément.
Dans le cadre du plan de relance et de redéploiement, huit projets supplémentaires relatifs à la création et au renforcement de Lieux de liens et de dynamique d’accueil bas seuil en santé mentale, ainsi que des projets développant la mobilité des soins en santé mentale ont été financés. À cela s’ajoute une mesure de renforcement de la coordination des soins avec les quatre antennes régionales de la réforme Psy 107, ainsi que le renforcement des soins psychiatriques pour personnes séjournant à domicile (SPAD) qui ont à la fois une fonction de mobilité clinique et de soutien de deuxième ligne.
Ces projets cliniques et de coordination ont tous pour public cible les populations les plus défavorisées et ont pour objectif de collaborer avec le secteur social et en particulier avec les coordinations sociales des CPAS. Cela permet de renforcer l’orientation et la détection précoce des problèmes de santé mentale et d’orienter dans le réseau les personnes présentant des problèmes de santé mentale vers une offre de soins adéquate et intégrée.
Plus spécifiquement, en ce qui concerne la détection précoce et son importance, il existe un programme de détection et d’intervention précoce coordonné par la Plate-forme de concertation pour la santé mentale en Région de Bruxelles-Capitale (PFCSM), en collaboration avec le réseau Bru-Stars, qui développe des stratégies intersectorielles afin de rentrer en contact avec des jeunes en difficultés qui sont identifiés en dehors du champ de la santé mentale.
En ce qui concerne la déstigmatisation des problèmes de santé mentale, celle-ci fait l’objet d’un travail transversal au sein du secteur, sur le plan de la prévention, et est particulièrement développée au sein des lieux d’accueil bas seuil que je viens de mentionner.
M. David Weytsman (MR).– Je devrais probablement aborder ce sujet à la Commission communautaire française (Cocof), mais je vous invite à travailler davantage sur la communication et la prévention concernant cette déstigmatisation. Je me demande si les pouvoirs publics ne devraient pas lancer des campagnes de communication sur ce sujet. Je sais que certaines ont été menées à l’époque avec la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je pense que cette problématique va prendre de l’ampleur dans les années à venir.