Ce 17 avril 2018, la Commission Santé du Parlement s’est réunie. A l’examen, une proposition de résolution « visant à la mise en place de StériBornes en Région bruxelloise ».
POURQUOI SUIS-JE FAVORABLE A LA MISE EN PLACE DE « STERIBORNES » ?
Contexte
A Bruxelles, la Politique Drogues et le Plan Drogues pour Bruxelles (juin 2015) émanent de la Fédération bruxelloise des institutions pour Toxicomanes (FEDITO BXL) qui propose de « renforcer l’accès au matériel de réduction des risques, notamment à l’ensemble du matériel stérile d’injection ». Par ailleurs, le Plan bruxellois des risques (2014) a également pointé comme action prioritaire « la décentralisation, la multiplication des intervenants et des modalités d’accès au matériel stérile d’injection, ainsi que l’élargissement de la couverture horaire ».
Cette proposition, dont le dispositif existe notamment dans plusieurs grandes villes dont à Paris, a pour objectif de
- faciliter l’accès au matériel stérile d’injection par la mise en place des bornes d’échange de matériel dénommées « StériBornes » afin d’offrir un rôle complémentaire aux structures déjà existantes avec une plus grande accessibilité (7 jours sur 7 et 24 heures sur 24) de manière gratuite et anonyme. Les consommateurs de drogues pourront avoir accès à une « Stéribox » qui comprend du matériel propre qu’ils pourront soit échanger via un système de remise de matériel usagé contre un nouveau matériel ou obtenir un nouveau matériel via la délivrance d’un jeton spécifique;
- diminuer les nuisances publiques : réduire les nuisances associées à l’usage de drogues dans les lieux publics ; réduire le nombre de seringues usagées jetées dans l’environnement;
- réduire la criminalité ;
- réduire les problèmes de santé pouvant découler de la consommation de drogues : réduire les oversodes mortelles, les risques de contaminations par les virus de l’hépatite C et du VIH; réduire le développement d’abcès ;
- complémenter le travail nécessaire de formation, d’éducation et de pédagogie des professionnels avec un processus d’évaluation régulier de l’ensemble du dispositif.
Pour toutes ces raisons, j’ai voté en faveur de ce projet lors de la Commission Santé , ce mardi 17 avril 2018.
Eléments d’intervention présenté par mon collègue, le Député et Docteur Abdallah KANFAOUI
La proposition est une initiative qui mérite d’être débattue. En effet, le problème de la toxicomanie à Bruxelles est un phénomène interpellant, moultes fois évoqué au sein de ce parlement, et qui mérite certainement une attention plus pointue.
La problématique a notamment été amenée lors du dernier Jeudi de l’hémicycle consacré « aux salles de consommation à moindre risque (SCMR) ». A cette occasion, le groupe MR a pu réitérer son engagement par rapport à la toxicomanie et son soutien à des initiatives telles que les Maisons d’Accueil Socio-Sanitaires (MASS). Nous considérons en effet qu’il est utile et pertinent d’accompagner au plus près ces personnes extrêmement fragilisées qui souffrent de problèmes complexes et souvent transversaux. Cet accompagnement, médical et psychologique de première ligne est primordial afin d’établir peu à peu des rapports de confiance qui permettront aux toxicomanes, dans le meilleur des cas, de vaincre leur addiction et de retrouver une vie digne, prometteuse et sereine. Si cela n’est pas toujours possible, ces centres effectuent au minimum un travail de conscientisation ainsi qu’une mission de réduction des risques en proposant du matériel d’injection stérile, un lieu sûr où les toxicomanes peuvent se reposer, ainsi qu’une diminution des déchets dangereux liés à la consommation de drogues dans l’espace public.
C’est en leur fournissant ce lieu d’échange, qu’il soit humain ou matériel, ou en leur proposant des soins médicaux, des traitements de substitution ou des conseils que les personnes frappées par des addictions lourdes se sentent petit à petit en confiance et qu’ils acceptent de se livrer au personnel associatif. Cette initiative de promotion de la santé physique, mentale et sociale vise donc la Réduction des Risques. Celle-ci se différencie de la prévention de l’usage et des traitements, dont elle se veut complémentaire. En effet, les traitements ont pour objectif un changement d’ordre sanitaire et / ou psychosocial et la prévention a pour objectif de diminuer l’incidence de l’usage de drogues dans la population. La réduction des risques, quant à elle, a pour objet de réduire les risques que l’usage de drogues peut occasionner chez les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas s’abstenir d’en consommer.
Comme je viens de l’exprimer, le groupe MR et moi-même sommes donc profondément convaincus qu’il convient de pérenniser de telles initiatives au sein de la Région Bruxelloise. Il s’agit là d’un problème de santé publique, de sécurité, de propreté, qui peut tout à fait être encadré pour réduire au maximum les risques liés à de telles pratiques de consommation.
Nous sommes donc favorables à l’instauration de stéribornes sur le territoire bruxellois en ce sens qu’elles compléteraient la gamme d’options accessibles aux toxicomanes afin de se procurer du matériel stérile. En effet, cette option se rajouterait aux pharmacies (qui peuvent distribuer des pochettes stériFix) ainsi qu’aux comptoirs d’échange de seringues (tels que ‘Transit’ ou ‘Dune’) et cela fait bien partie, comme le rappelle la proposition de résolution, des objectifs développés au sein du plan bruxellois de « réduction des risques liés à l’usage des drogues ». Selon la proposition de résolution, en plus de diminuer les risques, un tel dispositif pourrait permettre de faire des économies sur le budget des soins de santé bruxellois. Si le raisonnement semble logique, une telle démonstration a-t-elle déjà été faite ailleurs ? Quels seront les coûts liés à l’achat, l’installation, l’entretien et le nettoyage de telles bornes ? Autant de questions qui méritent un éclairage plus précis.
Si l’initiative doit être saluée, nous sommes persuadés qu’il faudrait effectivement placer ces bornes auprès de centres d’accueil déjà reconnus. Cela permet non seulement aux consommateurs de savoir facilement où aller, tout en facilitant la prise de contact avec le personnel associatif. D’après ce que je comprends, c’est d’ailleurs ce dernier qui serait chargé de distribuer les jetons nécessaires au fonctionnement de la stériborne et à l’obtention du matériel d’injection, ce qu’une certaine proximité avec la borne pourrait faciliter. Cette nécessité de proximité entre le consommateur et le personnel soignant et/ou associatif est d’ailleurs soulignée par l’ASBL Modus Vivendi qui explique l’importance d’un échange humain avec les toxicomanes : « Suite à ce constat et à l’analyse des entretiens, il apparait que les intervenants pourraient poser l’hypothèse selon laquelle une action de RdR suppose toujours une combinaison des 2 modalités pour être « idéale » : il convient donc de tenter de réaliser les 2 modalités (et donc l’échange matériel ET humain) pour qu’une pratique de RdR soit optimale et totale. »
Il convient donc, si nous souhaitons procéder à l’installation de pareilles bornes automatiques de distribution gratuite et anonyme, de les lier très étroitement aux réseaux déjà mis en place et financés par la COCOF. Comme nous venons de le voir, il semble en effet qu’un échange matériel seul ne soit pas idéal afin d’accompagner les toxicomanes de manière optimale. Je pense donc qu’il serait opportun de réfléchir encore aux modalités qui peuvent être établies et aménagées afin de renforcer le lien entre ces bornes « autonomes » et le personnel associatif. Outre les permanences qui seraient fixées à l’aune des pics d’activité, il me semble que d’autres pistes peuvent être envisagées.
J’en viens à présent au projet de fournir, via les bornes, une assistance virtuelle pour les usages du dispositif. Si l’idée n’est pas totalement saugrenue, elle me laisse cependant perplexe, ou à tout le moins sur ma faim. Quelle sera la forme prise par cette assistance ? Celle-ci sera-t-elle chargée de fournir uniquement des conseils sur l’utilisation de la borne ? Celle-ci dirigera t’elle les toxicomanes vers des centres d’accueil (au moyen d’une animation GPS ou d’une carte) ? Celle-ci sera-t-elle uniquement via la voix ou des modalités vidéo sont prévues ? Autant de points qui restent encore trop flous à mes yeux.
Je conclurai finalement avec ces quelques interrogations qui me viennent quant à cette proposition. Questions dont j’aimerais débattre avec mes collègues :
- Comment seront-elles dispersées sur le territoire bruxellois ? L’objectif étant, selon les observations émises par le secteur, de rapprocher au maximum le lieu d’achat du produit stupéfiant du lieu de consommation.
- Comment assurer, afin de ne pas les stigmatiser, l’anonymat des personnes se rendant aux stéribornes lorsque l’on demande dans le même temps aux associations compétentes d’organiser des permanences auprès de celles-ci ?
- Pourquoi évaluer postérieurement l’impact global du dispositif sur le quartier avoisinant les bornes alors qu’une étude d’incidence pourrait (devrait ?) être menée a priori ?
- Comment sera financé ce dispositif ? Rappelons que la présente proposition vise à instaurer non seulement le dispositif des stéribornes en tant que tel mais aussi l’établissement d’un comité de pilotage ainsi qu’une assistance virtuelle accessibles aux bornes. Rajoutons le prix du matériel et la main d’œuvre qualifiée nécessaire pour nettoyer/collecter régulièrement ces bornes et nous arrivons à des besoins financiers conséquents. A ce titre, est-il possible ou est-il prévu par le gouvernement de financer ce dispositif via le décret ambulatoire ?
- Toujours par rapport au financement, il est prévu de donner « les moyens nécessaires au comité de pilotage pour effectuer l’opérationalisation, la gestion journalière et l’évaluation du dispositif ainsi que pour mettre en place les formations dispensées aux différents publics concernés. » Là encore, quel coût cela représente-t-il ? Celui-ci pourra t’il être absorbé lui aussi par les moyens à disposition du gouvernement au sein du décret ambulatoire ?
Le MR soutient cette proposition tout en étant vigilant quant à l’opérationalisation concrète d’un tel dispositif, son coût et surtout son évaluation.