Une autre vision du logement public au profit des bas et moyens revenus.
Pour que l’Etat ne soit plus parmi les plus mauvais bailleurs.
J’ai été nommé, en mars 2013, à la Présidence de LOREBRU, une des sociétés bruxelloises de logements publics. Après plus d’une année de travail, l’heure des premiers constats est venue, ainsi que celle des propositions concrètes. Il faut d’urgence briser des tabous dans l’intérêt tant des locataires, que des 42.000 Bruxellois en attente d’un logement depuis parfois plus de 10 ans ainsi que de tous les ménages au revenu moyen qui souhaitent aussi louer ou acheter un logement à un prix raisonnable.
Un secteur en restructuration. Il existe actuellement 32 sociétés de logements sociaux à Bruxelles qui gèrent 40.000 appartements, soit une moyenne d’à peine 1250 logements par société. La 6ème réforme de l’Etat prévoit une rationalisation du secteur : dès 2015, il ne devrait subsister « que » 15 sociétés publiques. C’est encore bien plus que nécessaire ! Comme dans d’autres grandes villes européennes, une seule société pourrait tout aussi bien gérer ce patrimoine immobilier. A Paris, Londres, Madrid, Valence, ce sont des dizaines, voire centaines de milliers de logements publics qui sont gérés par des structures uniques..
Chaque locataire a des droits, notamment celui d’être écouté et respecté. Jusqu’en 2012, les locataires devaient organiser pétitions et manifestations pour se faire entendre par le politique. Dès mon arrivée, j’ai d’abord voulu leur redonner confiance et ouvrir à nouveau le dialogue non seulement indispensable mais légitime entre eux, d’une part, la société et le politique, d’autre part. Cela n’a pas été si difficile. En effet, je considère que les locataires de logements sociaux ont les mêmes droits et au moins les mêmes devoirs que des locataires du privé.
Je ne permets pas qu’on s’adresse aux habitants comme à des adolescents sous prétexte que nombreux vivent aujourd’hui de revenus de remplacement. Je bannis les procédures paternalistes, voire humiliantes. Il y a encore une année, avant mon arrivée à LOREBRU, les concierges devaient dessiner des croix à la craie sur les paliers pour vérifier si les habitants les nettoyaient, avec amende à la clé…
Chaque locataire a aussi des obligations : Tout le monde doit être respecté : les voisins et les travailleurs de la société. Mon discours est clair : « Il faut aussi respecter les biens, pas seulement les siens, mais aussi ceux des autres. Au rang de ceux-ci, les logements que vous occupez. Ce sont finalement les vôtres : ils ont été payés avec vos impôts ! Si vous le saccagez, votre voisin en fera autant. Mais votre comportement responsable amènera votre environnement à modifier les comportements destructeurs : la réciprocité s’installera. Une dégradation intentionnée, une sanction proportionnée ! » Et c’est vrai que, malgré l’opposition de certains, il aura fallu expulser certains délinquants et leur famille… Aujourd’hui, les locataires soutiennent majoritairement une telle politique ferme mais humaine. Il y a moins de criminalité, moins de délinquance, et plus de respect qu’il y a 4 ou 5 ans. Tout est loin d’être parfait ! Il reste beaucoup de travail.
Je plaide pour un modèle plus coopératif. Je veux que chacun puisse être directement associé aux décisions portant sur leur immeuble. Comment a-t-on pu installer des conteneurs à ordures, laids et malodorants, devant les fenêtres de certains habitants ? Tout sera prochainement démonté…Mais quelle gabegie ! Par ailleurs, les locataires ont le droit d’examiner les charges communes et d’énergie qui leur sont facturées… Ce faisant, ensemble, on a pu diminuer la hausse de celles-ci de près de 50%.
Les locataires ont le droit d’exiger des logements propres et sains. J’étais consterné d’entendre un journal télévisé au cours duquel des responsables politiques s’inquiétaient de la salubrité de certains logements privés. Mais sont-ils conscients que nombreux logements publics sont parfois à la limite de l’insalubrité, et ce, malgré toute la bonne volonté du personnel des sociétés de logement ?
Aujourd’hui, les pouvoirs publics n’ont plus les moyens de construire seuls des nouveaux logements et de rénover les anciens. L’ensemble des sociétés aurait besoin de près de 1.5 milliards euros uniquement pour les rénovations indispensables… Or le financement régional actuel ne peut pas couvrir plus que 15% des besoins pour notamment répondre aux normes d’habitabilité ! La Région est parfois le pire des bailleurs.
Il existe pourtant des solutions ! Je plaide pour que le secteur des logements publics puisse gérer son patrimoine seul, en bon père de famille, et rechercher ses propres sources de financement pour être non seulement à la hauteur de son développement, mais aussi à celle de ses obligations de bailleur responsable… Des logements publics restent parfois inoccupés des années par manque de trésorerie pour assurer les rénovations nécessaires… Un gestionnaire davantage soucieux de son patrimoine vendrait certains immeubles pour acheter ou rénover d’autres biens répondant mieux aux demandes de la population.
Ces sociétés doivent toutes augmenter leurs recettes propres en proposant notamment, à la location et à la vente, des appartements aux titulaires de revenus moyens. Non seulement, cela permettrait d’aider des milliers de familles, dans le besoin ou en proie à de grandes difficultés pour se loger, mais cela créerait aussi, notamment dans les complexes d’assez grande taille, une véritable mixité sociale.
Une politique plus efficace passera par des mutations de patrimoine, des ententes avec le secteur privé, une simplification des normes urbanistiques, … toutes mesures tendant à multiplier le nombre de logements disponibles pour celles et ceux qui en ont réellement besoin.
A Valence (Espagne), durant ces 10 dernières années, la Région a fait construire 70.000 nouveaux logements publics en partenariat avec des entreprises privées. Sur cette même période, à Bruxelles, seuls quelque 1.500 nouveaux logements sont sortis de terre dans le cadre du Plan régional Logement. C’est 30 fois moins que le privé ! A ce rythme, il faudrait un siècle pour répondre à la demande des dizaines de milliers de Bruxellois.
Demain, je veux permettre aux entreprises privées de construire 10 à 20 % de logements de plus qu’aujourd’hui. En 10 ans, on pourrait répondre au boom de la demande et rénover tout le parc public immobilier. La hausse de l’offre aura un impact bien plus significatif sur les loyers privés qu’un encadrement ou qu’une quelconque taxation des loyers comme le proposent certains partis politiques.
En la matière, il faut avoir une vision pragmatique : le rôle de l’Etat n’est pas de posséder des logements, mais de permettre au plus grand nombre de se loger dans des conditions optimales.
David WEYTSMAN
Ingénieur commercial – Conseiller communale Ville de Bruxelles