Question orale concernant « L’introduction de la lutte contre la maltraitance d’enfants, forcés à la mendicité, dans le Règlement »
Monsieur le Président,
La mendicité des enfants est un phénomène connus qui nous interpelle fortement. Il n’est pas rare de croiser une personne ayant dans ses bras ou à ses pieds un ou plusieurs enfants. Il n’est hélas par rare que certains enfants mendient eux-mêmes directement.
D’après plusieurs études et informations recueillies notamment par la « Coordination des ONG pour le Droit de l’Enfant » (CODE), les mineurs qui mendient en Région de Bruxelles-Capitale sont pour la plupart des mineurs étrangers, qui ne sont helas pas scolarisés, accompagnés ou pas de leur famille. Dans ce cadre, la mendicité est la conséquence d’un état de pauvreté, d’exclusion et de traite des êtres humains.
Il est difficile d’évaluer l’ampleur du phénomène. Depuis que la mendicité n’est plus réprimée par le Code pénal, il n’existe plus de statistiques officielles la concernant. Cependant, sur base de plusieurs études, notamment menées par la Fondation Roi Baudouin, il est estimé qu’une centaine d’enfants mendient en Région de Bruxelles-capitale, principalement dans le centre-Ville. Ce qui doit justifier une attention toute particulière de notre Ville.
Selon plusieurs experts et textes légaux belges et internationaux, le recours à des enfants pour susciter la pitié en public est attentatoire à leur dignité et à leur intégrité… C’est une forme de maltraitance.
Monsieur le Président,
Le dossier est complexe. Peu de communes s’intéressent à ce problème préférant rejeter la responsabilité sur un autre niveau de pouvoir. Cependant de nombreux fondements légaux nous permettraient d’intervenir voire de modifier notre règlement de police dans l’intérêt de ces enfants. Je relève plusieurs de ces textes de façon non exhaustive. Excusez-moi, par avance de citer plusieurs lois:
• L’article 22 bis de notre Constitution relatif aux droits de l’enfant déclare que : « Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique, et sexuelle ».
• En 1999, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a donné une définition de la maltraitance : « La maltraitance de l’enfant comprend toutes les formes de mauvais traitements (…), de négligences ou d’exploitation commerciale entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité… »
• Le monde médical semble unanime pour considérer la mendicité forcée par des mineurs comme des « atteintes graves à l’intégrité et à la dignité des enfants ».
• Il s’agit donc bien de maltraitance.
• Dans ses attendus introductifs la « loi du 10 août 2005 modifiant diverses dispositions en vue de renforcer la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains…» inclut dans sa définition de la traite : « une série de formes d’exploitation, sexuelle et économique (dont l’exploitation de la mendicité) »
• En 2006, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) précise dans sa définition de la traite d’enfants que « l’utilisation d’enfants associée à la mendicité » doit être incluse parmi « toutes les différentes formes d’exploitation ».
• En 2008, le Parlement européen demande aux « (…) États membres de mettre en œuvre des mesures sérieuses pour interdire toutes les formes d’exploitation des enfants, y compris (…) l’utilisation des enfants à des fins de mendicité, (…) ».
• Au niveau belge, le code pénal est assez clair ! Son article 433ter, modifié en 2005, prévoit : « Sera puni d’un emprisonnement et d’une amende : 1° quiconque aura embauché, entraîné, détourné ou retenu une personne en vue de la livrer à la mendicité, l’aura incitée à mendier ou à continuer de le faire, ou l’aura mise à disposition d’un mendiant afin qu’il s’en serve pour susciter la commisération publique ».
Ainsi, le fait de se servir d’un enfant en l’associant directement ou indirectement à de la mendicité est un élément constitutif de l’infraction prévue à l’article 433ter de notre Code pénal.
En synthèse, Monsieur le Président, mes questions sont les suivantes :
• La Police de la zone de Bruxelles-Capitale-Ixelles ne devrait-elle pas intervenir à chaque constat de cette forme de maltraitance ? Aujourd’hui, il me revient que ce n’est pas le cas. Est-ce exact ? Pourquoi ?
• Est-ce que la police de notre zone est en contact avec les services compétents de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin notamment de permettre à ces enfants d’être scolarisés ?
• Ne devrions-nous pas adapter le Règlement général de police de notre Ville afin de rendre plus lisible ce type d’infraction comme l’exige l’intérêt supérieur de l’enfant.
Monsieur le Président,
Je souhaite être très clair. L’objectif poursuivi n’est pas de réprimer à nouveau la mendicité mais de permettre à nos policiers, en collaboration éventuelle avec des associations, d’intervenir et diriger ces enfants vers les services adéquats de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin notamment de les scolariser. A cet égard, je vous rappelle que l’article 24 de la Constitution garantit le droit à l’instruction à tous les enfants, qu’ils soient en séjour légal ou non.
David WEYTSMAN